mai
07
2025
Child Focus présente son rapport annuel 2024 et tire une nouvelle fois la sonnette d'alarme. Le nombre de dossiers de disparitions et d'exploitation sexuelle gérés par l'organisation a doublé en trois ans (de 1.508 à 3.020 dossiers). En outre, pour la troisième année consécutive, l'organisation constate une augmentation de 30% du nombre de dossiers de fugue en 2024, avec un nombre total de 1.808 dossiers, ce qui équivaut à 5 nouveaux cas de fugue par jour. La fugue est souvent le signal ultime émis par le jeune pour indiquer que quelque chose de grave se passe dans sa vie. Il ne voit pas d'autre issue que de fuir une situation et s’expose ainsi à une grande vulnérabilité. En ce qui concerne les dossiers d'exploitation sexuelle de mineurs, Child Focus constate également un doublement en trois ans. Child Focus s'inquiète pour nos jeunes.
« Il est grand temps que notre société donne aux jeunes ce dont ils ont besoin, soit une aide et un soutien appropriés pour faire face aux défis actuels. Ils méritent qu'on s'intéresse à leur bien-être et qu'on les aide activement lorsqu'ils sont en difficulté. En tant que société, nous devons écouter les enfants et les jeunes, prêter attention à leurs histoires et à leurs points de vue et traiter ceux-ci avec respect », déclare Nel Broothaerts, Directrice Générale de Child Focus.
La fugue comme ultime appel à l’aide ?
En un an, le nombre de nouveaux dossiers de fugue chez Child Focus a augmenté de 30%. Cette hausse peut possiblement s’expliquer par la pression psychologique chez les jeunes, le manque de structures d’accueil adaptées, ainsi que la complexité croissante du fonctionnement au sein du secteur de l’aide à la jeunesse. Pour certains jeunes, la fugue est le seul moyen d’échapper au stress et au mal-être. Les jeunes fuient une situation qu’ils jugent problématique. Notre organisation reçoit toujours plus d'appels de jeunes en détresse psychologique ou de parents inquiets signalant que leur enfant a des idées noires. Cela souligne l'importance de considérer la fugue non pas comme un simple problème de comportement, mais comme une expression constante de besoins émotionnels profonds. Des besoins auxquels nous devons prêter attention et répondre.
94% des dossiers d’exploitation sexuelle de mineur.e.s. dans la prostitution présentaient un lien avec la fugue
Les jeunes qui fuguent sont extrêmement vulnérables et sont susceptibles de faire de mauvaises rencontres qui leur promettent la sécurité (un logement, un encadrement, de la nourriture…). C’est ainsi qu’ils peuvent se retrouver victimes d’exploitation sexuelle. L’année passée, Child Focus a ainsi ouvert 94 nouveaux dossiers d’exploitation sexuelle de mineur.e.s dans la prostitution, dont 94% avaient un lien avec la fugue. Cette problématique, comme la fugue, a augmenté de 30% par rapport à 2023. Une fois que les jeunes deviennent victimes, ils restent sous l’emprise de leur proxénète, subissent des violences sexuelles répétées et quittent à nouveau leur foyer ou institution pour retrouver leurs clients. Dans 71% des cas, le/la mineur.e. résidait dans une Institution de l’aide à la jeunesse et dans près de la moitié des cas, la victime était âgée de moins de 15 ans.
Dans au moins 74% de dossiers d’exploitation sexuelle de mineur.e.s dans la prostitution ouverts en 2024, des proxénètes d’adolescents auraient joué un rôle. Les proxénètes d’adolescents sont des trafiquants d’êtres humains qui utilisent des tactiques pour rendre leurs victimes dépendantes sur le plan psycho-affectif et matériel, pour ensuite les exploiter dans la prostitution. Ils considèrent les adolescents vulnérables comme étant des proies faciles.
L’exploitation sexuelle des mineurs dans le cadre de la prostitution reste largement sous-détectée, en grande partie à cause d’une formation insuffisante des acteurs de terrain, qui peinent à identifier les victimes. Ce manque de sensibilisation, couplé à l'absence de structures spécialisées pour l'accueil et la prise en charge des jeunes victimes, aggrave leur vulnérabilité et complique leur protection. De plus, les poursuites judiciaires sont rendues extrêmement difficiles par la nature numérique du phénomène, certaines étapes du processus d'exploitation (par exemple le recrutement) se déroulant parfois en ligne. Or de nombreuses plateformes se montrent réticentes à collaborer avec les Autorités. Ces défis soulignent l’urgence de mesures pour mieux protéger ces jeunes et lutter contre ce fléau.
Le sexting non consensuel : un problème croissant
En 2024, Child Focus a ouvert 227 nouveaux dossiers liés au sexting non consensuel, une hausse de 30% par rapport à 2023. Une situation de sexting non consensuel survient lorsque des images ou des vidéos intimes sont diffusées sans le consentement de la personne qui y apparaît, ou lorsqu’une personne envoie des images indésirables sans en avoir reçu l’autorisation. L’organisation constate que les victimes deviennent de plus en plus jeunes : 58% avaient moins de 14 ans, et 28% étaient encore à l'école primaire. Ces chiffres montrent que la prévention auprès des jeunes et dans les écoles doit se faire de plus en plus tôt.
Child Focus se préoccupe de l’expansion du phénomène des deepnudes, des images ou vidéos intimes manipulées à l’aide de l’intelligence artificielle (IA). Ce phénomène est inquiétant car ces images peuvent affecter autant la victime que des images réelles. Une législation et une réglementation adaptées sont nécessaires.
Sextorsion : des chiffres records et un écart croissant entre les genres
Dans le cadre du phénomène de sextorsion, contraction du terme anglais sexual extortion, ou extorsion sexuelle, les mineurs sont incités à envoyer des photos ou des vidéos intimes, avant d’être soumis à un chantage. Les auteurs menacent de diffuser les images à leurs proches ou leur famille si les victimes ne paient pas ou ne fournissent pas de nouvelles images. En 2024, Child Focus a ouvert 178 nouveaux dossiers. Les filles ont été principalement victimes d'extorsion visant à obtenir davantage de nouvelles images (76%) et les garçons ont, pour la plupart, été victimes d'extorsion visant à obtenir de l'argent (90%). Dans les dossiers de Child Focus, cette dernière forme de sextorsion est la seule forme d’exploitation sexuelle en ligne dont les victimes étaient majoritairement des garçons.
Grooming : jamais auparavant les victimes n’avaient été aussi jeunes
Le grooming désigne le processus par lequel un adulte entre délibérément en contact avec un mineur dans un but sexuel. Cela peut aller de conversations à connotation sexuelle et d'échange d'images explicites à la prise d’un rendez-vous réel en vue de commettre un abus sexuel. En 2024, Child Focus a ouvert 43 nouveaux dossiers liés au grooming. Jamais auparavant les victimes n’avaient été aussi jeunes : 70% avaient moins de 13 ans, et 47% étaient âgées de moins de 12 ans. Cette diminution d'âge souligne également la nécessité d'une prévention à un âge de plus en plus précoce.
Images d’abus sexuel d’enfants : derrière chaque image se cache un acte insoutenable
Désormais, les images d’abus sexuel d’enfants font hélas partie de la réalité en ligne. Pire encore, nous constatons, d’année en année, une augmentation inquiétante de leur nombre. Pour lutter contre ce fléau, Child Focus dispose de deux outils : le point de contact civil en ligne www.imagesdabus.be et l’outil de détection Arachnid. En 2024, via le formulaire en ligne, l’organisation a reçu des citoyens 1.899 signalements d'images suspectes d'abus sexuels d’enfants en ligne. Avec l’aide de l’outil Arachnid, l’équipe d’analystes a réussi à traiter 263.187 images.
Environ 20% de la totalité des signalements sur le point de contact civil en ligne concernaient de grandes plateformes en ligne très populaires auprès du grand public telles que Telegram, Facebook, Instagram, X et Snapchat. La plus grande responsabilité en matière de protection en ligne des enfants incombe aux plateformes et aux services eux-mêmes. Mais en l’absence d’obligations légales les mettant face à leurs responsabilités, la lutte reste inégale. C'est pourquoi notre organisation continue à suivre de près la législation européenne relative à la lutte contre l’exploitation et les abus sexuels d’enfants en ligne.
Enlèvements parentaux internationaux : vers et depuis la Belgique
Les enfants qui franchissent la frontière avec un parent sans le consentement de l'autre parent sont en principe considérés comme enlevés. En 2024, Child Focus a ouvert 205 nouveaux dossiers de ce type. 96 d’entre eux concernaient une suspicion d'enlèvement, et les 109 autres avaient trait à un enlèvement international avéré. Le nombre de signalements ne cesse d’augmenter d’année en année.
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Découvrez notre rapport annuel complet ici.
Contact presse chez Child Focus : Selyna Ayuso Ferrandiz – Public Relations Manager – 0473/81.17.82 – selyna.ayusoferrandiz@childfocus.org